Le BIM : une nouvelle relation entre maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage
Du monde de la mécanique au secteur du bâtiment
Le BIM (Building Information Modeling), ou maquette numérique du bâtiment, est aujourd’hui au cœur de la transformation digitale du secteur de la construction. S’il peut sembler nouveau pour l’immobilier, il est déjà utilisé depuis plus de 20 ans dans l’industrie mécanique à travers la CAO, CFAO et GMAO. Dans ce secteur, la logique de productivité et de rentabilité a favorisé une adoption rapide et structurée. Dans le bâtiment, le contexte est différent : chaque projet est unique et les acteurs sont plus hétérogènes (architectes, bureaux d’études, entreprises, maîtres d’ouvrage), ce qui complexifie l’intégration du BIM.
Des acteurs aux objectifs divergents
Dans un projet immobilier, les architectes recherchent avant tout la qualité architecturale et la signature esthétique, tandis que les Bureaux d’Études Techniques (BET) privilégient la précision technique et la faisabilité. De plus, les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage ont souvent des objectifs divergents : les premiers utilisent le BIM pour gagner en productivité et coordination, alors que les seconds attendent des outils fiables pour l’exploitation et la maintenance du bâtiment.
Une adoption encore incomplète
Si l’équipement progresse rapidement, l’usage reste limité : environ 40 % des cabinets d’architecture sont équipés en outils BIM, mais seuls 3 à 5 % exploitent réellement le potentiel collaboratif et informationnel. La majorité se limite encore à la production de rendus 3D pour concours et appels d’offres, sans exploiter la richesse de la base de données. Le manque de formation, de méthodes et de standards clairs freine l’adoption.
Les principaux freins au développement
- Méconnaissance : beaucoup perçoivent le BIM comme une contrainte plutôt qu’un atout.
- Manque d’interopérabilité : les échanges via le format IFC restent complexes et parfois imparfaits, tandis que le DWG (standard de fait d’Autodesk) présente des limites pour un travail structuré.
- Absence de standardisation claire : les maîtres d’ouvrage demandent rarement un modèle numérique exploitable, et les cahiers des charges manquent de définitions précises.
- Données fournisseurs insuffisantes : peu de fabricants proposent encore des bibliothèques BIM complètes et interopérables.
Vers une nouvelle relation MOE / MOA
Dans un contexte où la majorité des coûts d’un projet immobilier se situe dans l’exploitation et la maintenance, le BIM doit devenir un outil central pour la gestion du cycle de vie de l’ouvrage. Cela implique de mieux définir les attentes dès la conception et de garantir une base de données claire, structurée et pérenne.
Le rôle essentiel du BIM Manager
Pour organiser cette collaboration, la fonction de BIM Manager devient incontournable. Ce professionnel, qui possède à la fois une expertise en métiers du bâtiment et en technologies numériques, assure :
- La coordination entre architectes, BET, entreprises et MOA.
- La structuration de la base de données BIM pour en garantir la cohérence.
- La définition de procédures d’échanges claires (interopérabilité, mise à jour, formats).
- L’assurance que le maître d’ouvrage dispose d’un modèle fiable et exploitable pour la maintenance et la gestion.
Lorsqu’il est rattaché directement à la maîtrise d’ouvrage, le BIM Manager facilite également la prise en charge financière de sa mission et garantit que le modèle livré répond aux besoins réels de l’exploitation.
Conclusion
Le BIM est aujourd’hui à un tournant : les outils existent (Revit, AllPlan, ArchiCAD, Tekla…), mais leur pleine efficacité dépend de l’adoption de méthodes claires, de standards partagés et de compétences adaptées. La relation entre maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage doit évoluer pour intégrer le BIM comme un véritable outil stratégique, au service de la performance, de la durabilité et de l’économie des projets.